L'usage du spectre de fréquence est très régulé. Les gens qui n'ont pas de license radioamateur n'ont le droit d'en utiliser qu'une infime portion. Dans les années 90, l'Union Européenne a décidé communément d'allouer une petite portion de 200 kHz pour une utilisation libre sans license en mode FM (bande passante 12.5 kHz). La norme utilisée pour cette bande s'appelle Portable Mobile Radio 446, ou PMR446. Par association, on appelle aussi souvent "PMR446" la petite section de la bande amateur 70cm sur laquelle le standard est utilisé.

Le standard original définit en réalité une bande de 1 MHz (446.0 MHz - 446.1 MHz) comportant 8 canaux en fréquence. La voix portée sur chacun des canaux est modulée en fréquence (FM) avec une bande passante de 12.5 kHz, et transmise dans les airs avec une puissance maximale de 500mW à l'émission1. Une autre version du même standard a ajouté un autre mégahertz de bande (446.1 MHz - 446.2 MHz) pour une version numérique du standard, où la voix serait modulée par déplacement de fréquence, ou FSK . Les deux moitiés de la bande PMR446 était à l'origine séparée, mais, à un moment donnée, les deux mécanismes de transmission furent autorisés en même temps dans la totalité de la bande dans certains pays, ce qui fait que les 16 canaux de transmission sont disponibles pour les dispositifs PMR446 en Europe.

Oh, et bien sûr, ce standard est utilisé pour les talkie-walkie. Mais aussi les baby phone, les radios que vous pouvez acheter pour aller faire du camping et de la randonnée; tout ce que le grand public est susceptible d'obtenir et utiliser sur terre pour transmettre par les ondes en Europe est très probablement du PMR446. Les escape room dans la ville où ça vie en utilisent. Les jouets qu'on achète pour les gosses à noël sont aussi du PMR446.

Et vous pouvez absolument écouter tout ce qui se dit à travers ces radios. Prenez une radio ou une SDR, passez en FM avec 12.5 kHz de bande passante, allez à 446.00625 kHz pour trouver le canal 1, puis monter de 12.5 kHz pour trouver le canal suivant, et le suivant, etc.

Et bah c'est tout en fait. Sur la partie technique, c'est très simple, et il n'y a pas tant que ça à dire en réalité. J'ai néanmoins quelques pensées décousues à propos de l'écoute et la transmission sur PMR446 qui sont regroupées dans les sections ci-dessous.

#  CTCSS & DCS pour isoler les groupes de communication

Avec seulement 16 canaux, on se marche vite sur les pieds. Il est très probable que vous interfériez avec un ou plusieurs autres postes en émettant. Si deux groupes de postes émettent assez sporadiquement pour ne pas interférer, vous entendrez tout de même des communications qui ne vous sont pas destinées, mais il existe une façon de résoudre ça.

Le Continuous Tone-Coded Squelch System (CTCSS) est une méthode pour signaler aux dispositifs radio qu'une transmission leur est destinée. Au lieu d'activer les haut-parleurs lorsqu'un signal est seulement réceptionné et démodulé, un poste configuré pour du CTCSS n'activera le haut-parleur que si le signal audio décodé contient une fréquence qui a été définie sur la radio (selon un code CTCSS). De cette façon, deux groupes de postes utilisant deux codes CTCSS distincts, émettant sur le même canal en fréquence mais jamais en même temps, pourront différencier à qui les transmissions sont destinées, et ne pas se polluer les uns les autres.

Le CTCSS ne garantit cependant pas plus de confidentialité: il est trivial de contourner ce mécanisme soit en désactivant le CTCSS sur sa radio (auquel cas le squelch passe dès qu'une porteuse est reconnue sur la fréquence du canal), soit en utilisant un outil comme une SDR qui n'inspecte pas la présence du ton ajouté par le CTCSS, et peut tout écouter.

Le Digital-Coded Squelch (DCS), aussi appelé Continuous Digital-Coded Squelch System (CDCSS), est le petit frère numérique du CTCSS. Pour faire simple, DCS rajoute un flux audio inaudible dans la transmission, qui combine de la correction d'erreur avec un message de 9 bits de long dans lequel un numéro est encodé. La page Wikipédia anglaise du DCS explique pourquoi, parmi les 512 combinaisons théoriquement possibles de codes qui pourraient être mise sur ces 9 bits, seuls 83 sont utilisés pour éviter les faux positifs liés à des erreurs d'alignement du message en réception.

Le CTCSS et le DCS ne sont pas utilisés exclusivement pour PMR446, mais ces fonctionnalités sont souvent fournies directement dans les postes de radio grand publics.

#  Faire son propre poste d'écoute PMR446 sur Raspberry Pi

ça avait une vieille raspberry pi qui trainait dans un coin, qui servait avant de routeur. ça n'en achèterait probablement plus aujourd'hui, mais il y en a qui trainent encore à gauche à droite. En mettant une Debian dessus, ça a pu créer un petit système qui fonctionne comme ceci :

  • La raspberry pi boot quand elle est branchée à une batterie externe qui est capable de charger mon téléphone portable au moins deux fois tout en ayant encore du jus
  • Le dit téléphone est branché en USB sur la Pi avec partage de connexion via USB
  • Un dongle RTL-SDR est branché sur un autre port USB de la Pi, et une petite antenne de 33 cm est attachée sur, par exemple, un sac à dos
  • La Pi lance au démarrage deux services importants: un client Wireguard, qui établit une connexion avec un serveur distant, et WebSDR, qui expose son service via Wireguard
  • Le téléphone est dans le même réseau privé virtuel et voit donc l'interface WebSDR, où un profil est chargé pour visualiser la bande PMR446
  • Alternativement, je peux ignorer Wireguard et utiliser directement les adresses IP configurées pour le partage de connexion par USB pour établir une connexion SSH à la Pi, lancer rtl_fm, et écouter la sortie via le port audio jack

Après, il suffit juste de se balader. Hormis le fait que vous aurez une antenne visiblement attachée à vous, ça reste relativement discret. Au pire les gens penseront que vous êtes un peu louche.

La commande que ça utilise pour rtl_fm est la suivante:

rtl_fm -s 22050 -l 10 \
-f 466006250 -f 446018750 -f 446031250 -f 446043750 -f 446056250 -f 446068750 -f 446081250 -f 446093750 \
-f 466106250 -f 446118750 -f 446131250 -f 446143750 -f 446156250 -f 446168750 -f 446181250 -f 446193750

rfl_fm va rapidement scanner les fréquences (-f) et s'arrêter sur celles où le niveau de squelch (-l) sera dépassé, indiquant une transmission en cours. N'hésitez pas à bidouiller le niveau de squelch pour ne pas prendre en compte le bruit ambiant.

#  Le Voyeur et le Vigile

Il y a un argument un peu plus philosophique à formuler, autour de la vie privée. D'une certaine façon, on devrait savoir qu'en communiquant par les ondes, n'importe qui muni d'un poste configuré correctement peut recevoir et écouter votre signal. À priori, si vous n'êtes ni les keufs, ni l'armée, vous ne pouvez pas (légalement) chiffrer vos communications. Mais d'un autre côté, ça a aussi été à une époque un gosse avec un talkie-walkie. Le fait que, souvent, les voix qui sont capturées par ma radio sur PMR446 sont celles des enfants du quartier qui jouent avec une radio me donne une saveur amère. Ce problème d'écoute n'est pas unique à PMR446. Si vous écoutez les ondes, vous êtes souvent en présence de signaux qui sont censés être reçus par un large public (radio commerciale, FM ou AM, ou AM par Skywave), ou par quiconque pourrait les recevoir (bandes amateur). Ces dernières bandes sont d'ailleurs écoutées par des radioamateurs et non radioamateurs. Dans le même temps, des informations répétées partout sur le territoire, comme pour les pagers, sont tout à fait en mesure d'être décodées par n'importe qui, et certaines personnes ne sont pas forcément au courant de ce fait et devraient peut-être y faire plus attention. Écouter les ondes, c'est un peu une forme de voyeurisme qui coûte cher parfois, et des fois, il faudrait se demander si les gens qui émettent volontairement en connaissance de cause sur les ondes ne serait pas un peu aussi des exhibitionnistes.

Quand le premier jet de ce post a été écrit, ça écoutait beaucoup PMR446. C'était pratique, vu que, dans n'importe quelle zone un peu densément peuplé, ou zone d'activité, il y aura forcément des gens qui utiliseront des postes PMR446, le plus souvent des talkies-walkies, que ce soit de la sécu privée, des chefs de gare, etc. Si vous commencez à voir ces postes quand vous vous baladez, à remarquer que quelqu'un utilise une radio, et que vous l'écoutez, vous aurez aussi ce sentiment étrange de regarder quelque chose qui vous concerne, mais que vous ne devriez pas savoir. L'impression de jeter un coup d'œil dans l'arrière boutique d'une opération dont l'ampleur et l'organisation vous dépasse. En même temps, vous saurez que vous ne devrez pas laisser transparaître le fait que vous savez tout cela. Légalement, vous ne pouvez pas agir en connaissance d'informations interceptées par radio dont vous n'étiez pas le destinataire (pas en France, en tout cas).

Des fois, ça retourne sur PMR446. Des fois, il y a des vieux monsieurs qui racontent leur vie, et ça les écoute comme on écouterait des gens parler au bar. Des fois, ça entends des gens qui n'ont vraisemblablement aucune idée que quelqu'un les écoute.. et ça change de fréquence.

#  Conclusion

PMR446 n'est pas l'alpha et l'oméga des radios portatives. Dans un futur post, on explorera un autre standard PMR beaucoup plus avancé, totalement numérique, et qui a aussi été standardisé par un corps de l'UE: Terrestrial Trunked Radio, ou TETRA.